Luke Heng, l’extension du domaine de la peinture.

« La décision de devenir artiste n’a pas été soudaine, mais s’est faite graduellement. J’ai toujours été intéressé par l’art, alors j’ai fait une école d’art, où l’on étudiait le graphisme et la communication donc des arts appliqués. C’est un de mes tuteurs qui m’a encouragé à aller vers les Beaux Arts, moi je savais combien c’était difficile d’être artiste et d’en vivre. Après mon diplôme j’ai eu la chance d’être invité à montrer mon travail, et les expositions se sont enchaînées les unes après les autres, ce qui m’a donné l’opportunité de developper ma pratique dans des espaces différents. Mon premier travail, je dirais après coup que c’est une peinture monochrome grise, j’avais 22 ans, j’essayais différentes choses pour trouver mon propre langage. En réalisant cette toile, je me suis dit, ça c’est moi (rires) et à partir de là j’ai pu developper ma position. »

Grey n°3, Luke Heng Oil on canvas

Né en 1987, Luke Heng est diplômé avec mention du Lassale College de Singapour (en partenariat avec le Goldsmith College de Londres).  A Paris, en 2014, il a participé au programme de résidences d’artistes de la Dena Foundation présidée par Giuliana Setari et soutenue par le National Council of Arts de Singapour.

Luke Heng a passé son enfance dans une herboristerie médicinale chinoise, et s‘est d’abord inspiré de cette pharmacologie traditionnelle, tant dans sa philosophie Ying-Yang de recherche d’harmonie, que pour ces procédés d’extraction de pigments qu’il compose lui même. Au départ, sa manière de peindre, est répétitive, il peut réaliser jusqu’à vingt couches pour un fond blanc, se rapprochant ainsi de mouvements rituels et méditatifs. Il expérimente les qualités purement formelles de la peinture et cherche à en repousser ses limites dans le contexte de vitesse des images du monde contemporain. Son travail a fait l’objet de plusieurs expositions dont notamment à la galerie Pearl Lam de Singapour ou à la galerie Isabelle Gounod à Paris.

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« Etre artiste, en ce qui me concerne, découle de mon intérêt pour la pratique et le sujet même de la peinture :  la lumière , la construction, son extension à la fois dans l’espace et dans le champ de la discussion. La définition de l’art, c’est tellement vaste ! Pour moi c’est de créer un lien avec les personnes à différents niveaux, de faire réfléchir, de montrer les choses sous un angle inhabituel. Et que l’art à travers le questionnement qu’il provoque, trouve un écho chez l’autre. Et puis comme avec les relations humaines, parfois ça marche de manière assez évidente ou immédiate, parfois cela demande plus de temps. (rires)

Dans l’ensemble de ma production, je travaille beaucoup les fonds, à essayer de contrôler la lumière, leur densité, leur degré de transparence ou d’opacité. Après je me suis intéressé aux lignes et aux espaces vides, à developper des techniques de réduction : comme réduire le fond pour exposer les lignes ? Combien de lignes pour un espace d’exposition donné ? Que ce soit pour les galeries Isabelle Gounod à Paris ou Peal Lam à Singapour, je suis toujours intéressé par l’architecture du lieu. Je réfléchis à comment trouver un équilibre, comment faire correspondre les peintures ou les objets sculptures et l’espace afin de parvenir à créer un rythme. 

Tu m’interroges sur ma manière de procéder, en fait je réalise des croquis très simples pour determiner la place des formes, c’est vraiment une des premières étapes dans mon travail.

Et si je suis bloqué dans le travail de peinture, je reviens au croquis, c’est dans cet aller-retour que je trouve un équilibre.

Actuellement je travaille sur le sujet des silhouettes et des ombres, c’est un peu plus figuratif et c’est certainement la conséquence de mon travail de recherche en master qui porte sur l’extension de la peinture dans l’espace, de la 2D vers la 3D. Concernant mes objets de métal il est davantage question du matériau, du design, et du process aussi car je peux les faire fabriquer. Alors que les peintures, je les réalise seul, et elles sont d’avantage dans l’émotion et la spiritualité.

Oui la crise du Covid 19 est très perturbante. Nous sommes confinés, et beaucoup d’expositions ici à Singapour sont annulées ou reportées. Cela dit, cela me permet de réévaluer ma pratique, de me recentrer sur ce qui m’intéresse et de voir comment je réponds.

Quand ce sera terminé, j’espère que les gens se souviendront de prendre le temps, de combien c’est bon aussi de ralentir et de passer plus de temps avec les proches et la famille.

J’en profite pour faire des recherches. Actuellement je lis les écrits de Derrida « la Vérité en Peinture » et son concept de parergon (ndt qui est le cadre ou l’encadrement, qui permet à  l’oeuvre de se déployer contre ce qui manque en elle).  Le travail de Robert Smithson m’inspire aussi, sur cette manière d’inclure dans sa reflexion, le hors-site et sa temporalité, le dedans et le dehors de la galerie ou de l’espace d’exposition. Et il y a aussi Katharina Gross et sa manière très extensive de considérer la peinture, et Jiro Takamatsu notamment pour ses peintures d’ombres. 

J’espère pouvoir mettre cela en pratique dans ma prochaine exposition où je suis invité à faire dialoguer mon travail sculptural et mes peintures. »

Interview réalisée par Valentine Meyer le 26 Novembre 2020.

Pour en savoir plus sur le travail de Luke Heng, voici deux liens :

Son site personnel : https://www.lukeheng.com/

Sa galerie parisienne : http://galerie-gounod.com/en/artistes/oeuvres/4757/luke-heng

Vue de l’exposition personnelle de Luke Heng, Royal Stanza, Galerie Isabelle Gounod, 2016.
Photographie : Rebecca Fanuele.

Luke Heng, the extension of the field of painting. (Whatever)

“The decision to become an artist was not sudden, it was a gradual one. I’ve always been interested in art, so I went to art school, where we studied graphic design and communication, therefore applied arts. It was one of my tutors who encouraged me to go to Fine Arts, I knew how difficult it was to be an artist and to make a living from it. After my diploma I was lucky enough to be invited to show my work, and the exhibitions followed one after the other, which gave me the opportunity to develop my practice in different spaces. My first job, I would say after the fact that it is a gray monochrome painting, I was 22 years old, I was trying different things to find my own language. By making this painting, I said to myself, this is me (laughs) and from there I was able to develop my position. « 

Born in 1987, Luke Heng graduated with honors from Lassale College, Singapore (in partnership with Goldsmith College, London). In Paris, in 2014, he participated in the artist residency program of the Dena Foundation chaired by Giuliana Setari and supported by Singapore National Council of the Arts.
Luke Heng spent his childhood in a Chinese herbal medicine, and was first inspired by this traditional pharmacology, both in his Ying-Yang philosophy of seeking harmony, and for these pigment extraction processes that he composes himself. Initially, his way of painting was repetitive, he could create up to twenty layers for a white fund, thus approaching ritual and meditative movements. He experiments with the purely formal qualities of painting and seeks to push its limits in the context of the speed of images of the contemporary world. His work has been the subject of several exhibitions, notably at the Pearl Lam gallery in Singapore or at the Isabelle Gounod gallery in Paris.

« Being an artist, as far as I’m concerned, stems from my interest in the practice and the very subject of painting: light, construction, its extension both in space and in the field of discussion. The definition of art is so vast! For me it is to bond with people at different levels, to make people think, to show things from an unusual angle. And that art, through the questioning it provokes, finds an echo in others. And then as with human relations, sometimes it works in a fairly obvious or immediate way, sometimes it takes more time. (laughs)

Throughout my production, I work a lot on funds, trying to control the light, their density, their degree of transparency or opacity. Then I got interested in lines and empty spaces, to develop reduction techniques: how di I reduce the layers to expose the lines? How many lines for a given exhibition space? Whether for the Isabelle Gounod galleries in Paris or Peal Lam in Singapore, I am always interested in the architecture of the place. I think about how to find a balance, how to match the paintings and the space in order to achieve a rhythm.
You wonder about my way of proceeding, in fact I make very simple sketches to determine the place of the shapes, this is really one of the first steps in my work.
And if I’m stuck in the paint job, I go back to the sketch, it’s in this back and forth that I find a balance.
Currently I am working on the subject of silhouettes and shadows, it is a little more figurative and it is certainly the consequence of my research work in master which concerns the extension of painting in space, of 2D towards 3D. Regarding my metal objects, it is more about the material, the design, and also the process because I can have them made. While the paintings, I do them alone, and they are more emotional and spiritual.

Yes, the Covid 19 crisis is very disturbing. We’re confined, and a lot of exhibitions here in Singapore are being canceled or postponed. That said, it allows me to re-evaluate my practice, refocus on what interests me and see how I respond.
When this is over, I hope people will remember to take the time, how good it is to slow down and spend more time with loved ones and family.
I take this opportunity to do some research. Currently I read the writings of Derrida « Truth in Painting » and his concept of parergon (ndt which is the frame or the framing, which allows the work to unfold against what is lacking in it). Robert Smithson’s work also inspires me, on this way of including in his reflection, the off-site and its temporality, the inside and the outside of the gallery or the exhibition space. And there is also Katharina Gross and her very extensive way of considering painting, and Jiro Takamatsu especially for his shadow paintings.
I hope to be able to put this into practice in my next exhibition where I am invited to make dialogue between my sculptural work and my paintings. « 

Interview by Valentine Meyer Novembre 26 2020.

To know more about Luke Heng’ s work, here are 2 links :

His website : https://www.lukeheng.com/

His parisean gallery : http://galerie-gounod.com/en/artistes/oeuvres/4757/luke-heng

Installation view of ‘Memento’ and ‘Non-Place, Luke Heng dec 2017


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